Le régime de l’activité partielle a été modifié par Décret publié le jeudi 26 mars au Journal Officiel, ainsi que par une Ordonnance publiée le samedi 28 mars.
Assouplissement de la procédure de dépôt des demandes d’activité partielle, précision sur l’indemnité versée… Nous vous proposons ci-après de répondre aux principales questions que vous pourriez vous poser, afin de vous présenter les modifications opérées, et nos préconisations, étant précisé qu’un nouveau Décret est annoncé par le Ministère du travail.
J’ai effectué une demande d’autorisation de recours à l’activité partielle avant le 26 mars 2020, les nouvelles règles s’appliquent-elles à mon entreprise ?
Oui, sous réserve que les deux conditions cumulatives suivantes soient remplies :
- L’activité partielle a débuté après le 1er mars 2020 ;
- Aucune demande de remboursement des sommes versées au titre de l’activité partielle du mois de mars n’a été faite auprès de l’Agence de Services et de Paiement avant le 26 mars.
Je n’ai pas encore fait ma demande d’autorisation de recours à l’activité partielle, comment dois-je procéder ?
Le recours à l’activité partielle est conditionné à l’autorisation de l’autorité administrative. La demande d’autorisation doit être faite sur le site internet : https://activitepartielle.emploi.gouv.fr/aparts/
Notre préconisation
Anticiper les étapes de création de compte sur le site internet, puisqu’il faut plusieurs jours pour recevoir l’ensemble des codes et habilitations permettant de formuler la demande.
Dans le contexte de la pandémie de Coronavirus, dans quels cas puis-je faire une demande d’autorisation de recours à l’activité partielle ?
L’activité partielle peut être envisagée en cas :
- D’entreprise visée par un arrêté de fermeture ;
- De baisse d’activité et/ou difficultés d’approvisionnement ;
- D’impossibilité de poursuivre le travail via la mise en place de mesures de prévention telles que le recours au télétravail, le respect des gestes barrière…
Puis-je débuter l’activité partielle sans avoir fait ma demande d’autorisation ou sans avoir eu la réponse de l’Administration ?
La demande d’autorisation de recours à l’activité partielle motivée par la crise sanitaire du Covid-19 peut être effectuée dans un délai de 30 jours suivant le début de l’activité partielle et produire un effet rétroactif.
Notre préconisation
Dans la mesure du possible, effectuer cette demande de manière préalable, pour éviter d’avoir à supporter les conséquences d’un éventuel refus d’autorisation.
Dois-je informer mon CSE de ma volonté de recourir à l’activité partielle ?
Le CSE doit être informé et consulté sur le projet de recours à l’activité partielle.
Si en principe cette information-consultation doit être préalable à la demande d’autorisation, les circonstances exceptionnelles justifient que l’avis soit recueilli a posteriori et transmis à l’Administration dans un délai de 2 mois à compter de la demande d’autorisation.
Notre préconisation
- Privilégier une réunion par visio-conférence ;
- Transmettre au préalable au CSE une note d’information détaillée ;
- Profiter de cette réunion pour informer le CSE sur l’actualisation du document unique d’évaluation des risques ou une éventuelle demande de report des échéances URSSAF.
Que doit comporter ma demande d’autorisation ?
La demande d’autorisation doit comporter :
- Le détail des motifs justifiant le recours à l’activité partielle et les conséquences de la crise sanitaire actuelle (circonstances exceptionnelles, conséquences sur l’activité) ;
- La période prévisible de sous-activité, dont la durée maximale est portée de 6 à 12 mois ;
- Le nombre de salariés concernés ;
- L’avis du CSE s’il a été recueilli préalablement à la demande. A défaut, l’avis peut être transmis dans un délai de 2 mois à compter de la demande d’autorisation.
Notre préconisation
- Attacher une attention toute particulière à la rédaction du motif de recours au dispositif, certaines Direccte ayant déjà opposé des refus ;
- Prévoir une période prévisible la plus large possible, même si les Direccte ont tendance à accorder des autorisations pour des durées limitées ;
- Inclure dans la demande les salariés susceptibles d’être concernés pour éviter d’avoir à formuler des demandes complémentaires (salariés en arrêt de travail, en arrêt garde d’enfants, en congés payés…) ;
- Conserver la preuve de la baisse d’activité ou des difficultés d’exercice motivant votre demande de recours à l’activité partielle. En cas de contrôle ultérieur – notamment Urssaf – il pourra vous être demandé d’en justifier;
- Pour ne pas surcharger le site, il n’est pour l’instant plus possible de joindre des documents à la demande. Conservez ces justificatifs pour les transmettre ultérieurement.
De quel délai dispose l’Administration pour examiner ma demande d’activité partielle ?
La réponse de l’Administration doit intervenir dans les 48 heures (et non plus 15 jours). Un défaut de réponse sous 48 heures vaut accord.
Notre alerte
- Certaines Direccte refusent la demande déposée faute d’avoir eu le temps de l’étudier dans les délais impartis. Un refus n’est donc pas nécessairement définitif ;
- Certaines Direccte rendent tout de même un avis au-delà du délai de 48 heures, lequel peut être négatif. Il convient donc d’être vigilant sur le retour de la Direccte.
Les salariés au forfait en heures ou en jours sur l’année sont-ils éligibles au dispositif d’activité partielle ?
Oui, que l’activité partielle soit totale (aucune prestation de travail) ou qu’elle consiste simplement en une réduction de leur durée habituelle de travail.
Les salariés protégés bénéficient-t-ils d’un régime dérogatoire ?
Avant l’Ordonnance du 27 mars 2020, le recours à l’activité partielle constituait un changement dans les conditions de travail, qui ne pouvait être imposé aux salariés protégés et nécessitait de recueillir leur accord préalable.
Depuis l’Ordonnance, dès lors que l’activité partielle affecte tous les salariés de l’entreprise, de l’établissement, du service ou de l’atelier auquel est affecté ou rattaché l’intéressé, l’employeur n’a plus besoin de recueillir l’accord du salarié protégé pour lui appliquer le dispositif. L’activité partielle s’impose au salarié protégé.
Comment dois-je indemniser mon salarié en activité partielle ?
En l’absence de dispositions conventionnelles ou d’engagement unilatéral plus favorable, l’employeur verse au salarié :
- Pour chaque heure chômée ;
- Dans la limite de la durée contractuelle de travail sans que celle-ci ne puisse être supérieure à 35 heures ;
- Une indemnité égale à 70% de la rémunération horaire brut servant d’assiette au calcul de l’indemnité de congés payés ;
- Les indemnités d’activité partielle versées aux salariés, ainsi que les éventuelles indemnités complémentaires versées en application d’un accord collectif ou d’une décision unilatérale de l’employeur sont assujetties à la CSG au taux de 6,2 % et à la CRDS au taux de 0,5% sur une base réduite, après abattement de 1,75 %.
Cas particuliers
- Les salariés en contrat d’apprentissage ou de professionnalisation perçoivent une indemnité horaire d’activité partielle égale au pourcentage du SMIC qui leur est applicable ;
- Les salariés à temps partiel sont indemnisés dans la limite de leur durée contractuelle de travail.
Si leur taux horaire habituel est inférieur au SMIC, l’indemnité d’activité partielle est calculée sur la base de 100% du taux horaire ;
Si leur taux horaire habituel est supérieur au SMIC, l’indemnité d’activité partielle est calculée sur la base de 70% du taux horaire, sans que celui-ci ne puisse être inférieur au SMIC ; - Les salariés dont la durée habituelle de travail excède 35 heures sont indemnisés à hauteur de 35 heures ;
- Les salariés au forfait annuel en heures ou en jours sont (à ce jour) indemnisés de la façon suivante : une demi-journée d’activité partielle est égale à 3,5 heures, et une journée à 7 heures. Un Décret annoncé pourrait venir modifier les modalités de décompte de la durée du travail – et donc de détermination de l’indemnisation – des salariés en forfait-jours.
Nos préconisations
- Veiller au régime social et fiscal appliqué à l’indemnisation ;
- Vérifier si votre convention collective prévoit des modalités d’indemnisation plus favorables ;
- Formaliser un éventuel engagement unilatéral de maintenir une indemnisation supérieure au minimum prévu. Nous pouvons vous assister pour cela.
Mes salariés peuvent-ils bénéficier de formations pendant la période d’activité partielle ?
Les salariés peuvent utiliser les droits acquis sur leur CPF, mais également réaliser un bilan de compétence, une VAE, une formation en vue d’obtenir une qualification professionnelle et même un apprentissage.
Si l’employeur a donné son accord pour un telle formation avant le 28 mars 2020, l’indemnité d’activité partielle est majorée pour attendre 100% du salaire. Si l’accord de l’employeur est postérieur, l’indemnisation est celle de droit commun : 70% du salaire horaire brut.
Comment faire pour que mon entreprise soit remboursée des indemnités versées à mes salariés ?
A la fin de chaque mois, l’employeur doit adresser sa demande d’indemnisation via le site https://activitepartielle.emploi.gouv.fr/aparts/ et préciser pour chaque salarié :
- Les heures hebdomadaires réellement travaillées (ou assimilées, telles que les congés, les arrêts maladie pour motif de coronavirus, etc.) ;
- Les heures hebdomadaires réellement chômées.
L’allocation est versée à l’entreprise par l’Agence de service et de paiement, dans un délai moyen de 12 jours. Des contrôles pourront intervenir a posteriori.
Quel sera le montant de l’allocation versée à mon entreprise ?
L’Etat versera une allocation pour chaque heure chômée indemnisée, étant précisé que l’allocation versée ne pourra être inférieure à 8,03 €/heure, ni supérieure à 31,9725 €/heure (4,5 SMIC).
Pour les apprentis et les contrats de professionnalisation, l’allocation est versée sans minimum.
En résumé
- L’indemnité versée au salarié est égale à 70% du salaire horaire brut, lequel est inférieur ou égal à 4,5 SMIC (31,9725 €) : l’employeur sera remboursé à hauteur de 100% des indemnités versées ;
- L’indemnité versée au salarié est égale à 70% du salaire horaire brut, lequel est supérieur à 4,5 SMIC (31,9725 €) : l’employeur sera remboursé à hauteur de 70% de 4,5 SMIC. Il supportera donc un reste à charge ;
- L’indemnité versée au salarié est supérieure à 70% du salaire horaire brut (en raison de dispositions conventionnelles plus favorables ou d’un engagement unilatéral de l’employeur) : l’employeur ne sera remboursé qu’à hauteur de 70% du salaire horaire brut. Il supportera donc un reste à charge.
Le Ministère du travail a mis en place un simulateur permettant d’évaluer le coût de l’activité partielle pour l’entreprise (accessible ici), qui doit être actualisé au regard des apports du Décret du 25 mars 2020.
Comment rédiger le bulletin de paie de mes salariés en activité partielle ?
Si les salariés ont au cours du mois été placés en activité partielle, leur bulletin de salaire doit mentionner :
- Le nombre d’heures indemnisées au titre de l’activité partielle ;
- Le taux appliqué pour le calcul de l’indemnité d’activité partielle (à défaut de dispositions conventionnelles ou d’engagement unilatéral de l’employeur, le taux est de 70% du salaire brut) ;
- Les sommes versées au titre de la période considérée.
A titre dérogatoire et jusqu’au 26 mars 2021, ces informations peuvent figurer dans un document autre que le bulletin de salaire.
Nos préconisations
- Si l’assiette de calcul de l’indemnité d’activité inclut des éléments variables de paie tels que des primes sur objectifs ou des avances sur commissions, joindre au bulletin de salaire une note explicative afin de vous prémunir de demandes de rappels de salaire à ce titre ;
- A la reprise de l’activité, prévoir un entretien individuel formalisé par écrit afin d’adapter les objectifs annuels et de faire le point sur les sommes versées à titre de prime d’objectif et d’avances sur commission.
Qu’est-ce que je risque en cas de fraude au dispositif de l’Activité Partielle ?
Le Gouvernement a annoncé des contrôles a posteriori de l’utilisation de l’activité Partielle.
Sans parler de « fraude » on peut tout d’abord imaginer que l’administration revienne sur l’accord donné et demande a posteriori le remboursement de l’allocation versée si elle considère que l’aide d’Etat n’était pas justifiée, ce qui est source d’insécurité juridique.
S’agissant du détournement du dispositif et de la fraude, le Gouvernement a annoncé que la fraude à l’activité partielle se constatera sur les demandes d’indemnisation formulées par les employeurs. En effet, le dispositif prend en charge les heures non travaillées par les salariés, c’est-à-dire celles au cours desquelles ils n’ont pas fourni de travail et n’étaient pas à disposition de leur employeur.
Cela peut se matérialiser par exemple de la façon suivante :
- pour les salariés en télétravail, ou en congés payés : l’employeur ne peut pas demander à bénéficier d’une indemnisation ;
- si des salariés sont présents sur le lieu de travail mais qu’en l’absence de clients, ils sont redéployés à d’autres tâches, l’employeur ne pourra pas demander à bénéficier de l’allocation d’activité partielle car ils étaient à disposition de leur employeur.
Comme pour toute fraude aux revenus de remplacement, l’employeur indélicat qui viendrait à demander une indemnisation indue est passible de sanctions prévues en cas travail illégal :
- reversement des aides indûment perçues par l’employeur ;
- interdiction de bénéficier pendant 5 ans d’aides publiques ;
- sanctions pénales : 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.
Notre équipe est là pour vous aider à formaliser votre demande de recours à l’activité partielle en mettant toutes les chances de votre côté, vous aider à trouver des solutions aux questions qui demeurent en suspens au regard des risques encourus, mais également pour gérer les conséquences pratiques et opérationnelles du recours à l’activité partielle. N’hésitez pas à nous solliciter.
L’équipe de droit social du Cabinet BRET BREMENS se tient à votre disposition pour répondre à vos questions en droit du Travail et droit de la Sécurité sociale.