Les nouveautés de la Loi « El Khomri » – 1re partie

31 August 2016

Malgré les manifestations, les grèves et le contrôle du Conseil Constitutionnel, la Loi n°2016-1088 du 8 août 2016 relative « au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels » a enfin été publiée au Journal Officiel, le 9 août 2016.

Cette loi vient réformer plusieurs thématiques importantes du droit social : la durée du travail, la négociation collective d’entreprise, la santé au travail, le licenciement économique, la sécurisation des parcours professionnels, et autres mesures visant à favoriser l’emploi.

  1. La durée du travail :

La Loi « El Khomri » a introduit une nouvelle construction du Code du Travail, s’agissant du temps de travail, des repos et des congés :

  • Les dispositions d’ordre public auxquelles aucun accord ne peut déroger,

  • Les dispositions relevant du champ de la négociation collective, qui précise les rapports entre l’accord d’entreprise et de branche,

  • Les règles supplétives, applicables en l’absence d’accord d’entreprise ou de branche.

Désormais, en matière de temps de travail, l’accord d’entreprise constitue le niveau de droit commun et pourra déroger à l’accord de branche. Chaque entreprise pourra ainsi modeler l’organisation du temps de travail au plus près de ses besoins, sous réserve des dispositions d’ordre public, et de la négociation avec ses représentants du personnel, et par exemple :

  • Sur le taux de la majoration des heures supplémentaires (un plancher étant fixé à 10%) ;

  • Sur la rémunération des temps de pause, de restauration ;

  • Sur la possibilité de porter de 10% à 1/3 de la durée hebdomadaire ou mensuelle la limite d’accomplissement des heures complémentaires pour le temps partiel ;

  • Sur les contreparties du temps de déplacement, d’habillage et de déshabillage…

Les autres modifications apportées par la Loi dans le domaine de la durée du travail portent principalement sur les points suivants :

  • L’assouplissement de la durée du travail : la Loi ouvre la possibilité aux entreprises d’aménager le temps de travail sur 3 ans, crée une nouvelle dérogation à la durée maximale hebdomadaire, sécurise l’ancien dispositif de modulation ;

  • La sécurisation des forfaits annuels (en heures et en jours) : à compter du 10 août 2016, la Loi intègre les exigences de la jurisprudence (ex : suivi régulier, par l’employeur, de la charge de travail du salarié) et ajoute un droit à la déconnexion du salarié.

La Loi sécurise les accords antérieurs, même s’ils ne sont pas conformes à ces nouvelles exigences légales, puisqu’il est possible de pallier les insuffisances des accords collectifs en vigueur.

  • L’allongement de certains congés familiaux qui s’appliquent sous réserves d’éventuelles durées plus longues prévues par votre convention collective :

    • Décès d’un enfant : le congé passe de 3 à 5 jours,

    • Décès du conjoint ou pacsé : le congé passe de 2 à 3 jours,

    • D’un parent, beau-parent, frère ou sœur : le congé passe de 1 à 3 jours.

  1. La négociation collective et les Institutions Représentatives du Personnel (IRP) :

S’agissant de la négociation collective et des représentants du personnel, les modifications apportées par la Loi « El Khomri » sont nombreuses :

  • La Délégation Unique du Personnel peut recourir à la visioconférence depuis le 10 août 2016, y compris lorsque l’ordre du jour ne comporte que des questions relevant des Délégués du Personnel ;

  • Le décompte des heures de délégation est adapté aux salariés au forfait jours : 4 heures de délégation = ½ journée de travail. Ex : si un représentant du personnel a droit à 20 heures de délégation sur un mois, celui au forfait jours bénéficiera de 5 demi-journées de délégation ;

  • L’exercice du droit syndical est facilité : depuis le 10 août 2016, le nombre d’heures de délégation des délégués syndicaux ou des représentants d’une section syndicale est augmenté de 20 % par mois :

    • 12 heures au lieu de 10 dans les entreprises ou établissements de 50 à 150 salariés ;

    • 18 heures au lieu de 15 dans les entreprises ou établissements de 151 à 499 salariés ;

    • 24 heures au lieu de 20 dans les entreprises ou établissements de plus de 500 salariés.

Les syndicats présents dans l’entreprise pourront, à compter du 1er janvier 2017, même à défaut d’accord, mettre en ligne des publications et tracts sur un site syndical accessible à partir de l’intranet de l’entreprise. Depuis le 10 août 2016, la couverture « accidents du travail et maladies professionnelles » du délégué syndical est étendue à l’exercice de ses activités syndicales ;

  • L’accord majoritaire (re)devient la règle pour les accords d’entreprise : pour les entreprises qui disposent d’un délégué syndical : l’accord d’entreprise devra être signé par un ou plusieurs syndicats représentatifs ayant obtenu plus de 50 % des suffrages exprimés au 1er tour des élections des titulaires du CE, de la DUP ou à défaut, des Délégués du Personnel. A défaut d’atteindre ce taux de 50%, les syndicats minoritaires disposent encore d’une possibilité de faire passer le texte en ayant recours au vote des salariés : si l’accord est signé par des syndicats ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés, l’accord peut être tout de même validé par la majorité des salariés lors d’un vote de type « référendum » organisé par les syndicats signataires. Ces nouvelles dispositions entreront en vigueur progressivement, au 1er janvier 2017 et au plus tard le 1er septembre 2019, selon le sujet de l’accord et sous réserve de la parution des décrets d’application annoncés ;

  • Dans les entreprises dépourvues de Délégué syndical, la négociation avec des salariés mandatés ou des élus non mandatés est assouplie : élargissement à tous les thèmes pouvant être négociés par accord d’entreprise ou d’établissement, et suppression de la validation préalable des accords par les commissions paritaires de branche ;

  • Les accords de groupe et interentreprises sont sécurisés et renforcés : possibilité de mener les négociations au niveau du groupe pour tous les sujets qui peuvent être négociés au niveau de l’entreprise. Les entreprises pourront ainsi être dispensées d’engager les NAO si elles ont lieu au niveau du groupe.

Si vous souhaitez en savoir plus, n’hésitez pas à nous solliciter.

Nous vous présenterons la semaine prochaine, dans une seconde partie, les nouveautés de la Loi relatives à la santé au travail, au licenciement économique, à la sécurisation des parcours professionnels, et autres mesures visant à favoriser l’emploi.

Valentine HOLLIER-ROUX et Ugo GARZON

Avocats

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